L’inspection du travail se voit assigner un double rôle en cette période de reprise de l’activité économique post-confinement. Un premier, de conseil notamment auprès des employeurs, mais aussi un second, de contrôle, en particulier des mesures de sécurité adoptées pour protéger les salariés du risque lié au covid-19. C’est ce qui ressort d’une instruction de la Direction générale du travail du 19 mai 2020.
Un accompagnement des entreprises dans la reprise
La direction générale du travail (DGT) demande aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’informer, de conseiller et d’accompagner l’ensemble des acteurs (employeurs, salariés, représentants du personnel, etc.) sur le cadre juridique applicable à la reprise du travail après le confinement.
Les DIRECCTE ont aussi pour mission d’accompagner le dialogue social, notamment :
-au niveau des entreprises, en incitant et accompagnant le dialogue social par exemple avec le comité social et économique (CSE), en les renseignant notamment sur les aménagements apportés aux délais des consultations liés au covid-19 (ord. 2020-507 du 2 mai 2020, JO du 3 ; décrets 2020-508 et 2020-509 du 2 mai 2020, JO du 3) ;
-au niveau des régions, en réunissant les partenaires sociaux afin de faire le point sur l’évolution de la situation régionale.
La DGT invite également les DIRECCTE à prendre toute initiative dans certaines parties du territoire pour « rechercher des solutions conjointes et négociées » avec l’ensemble des parties concernées sur des sujets spécifiques, comme l’organisation de la restauration des salariés sur une zone d’activité, la gestion des flux de clientèle ou des entrées et sorties du personnel d’entreprises cohabitant dans un même immeuble ou encore les modalités de mise à disposition d’installations sanitaires pour les salariés des boutiques d’un centre commercial.
Des interventions sur site et des contrôles ciblés
Un des objectifs assignés aux inspections du travail est d’intervenir dans les entreprises et sur les chantiers pour vérifier l’effectivité des mesures prises par les employeurs pour protéger les travailleurs du risque de contamination par le coronavirus.
Des contrôles pourront porter également sur les conditions d’hébergement des travailleurs, détachés ou non, par exemple dans les exploitations agricoles.
En outre, les agents de l’inspection du travail traiteront prioritairement les signalements concernant :
-le non-respect des mesures de protection contre le risque covid-19 (ex. : signalement dans le cadre d’une procédure d’alerte en matière de danger grave et imminent) ;
-les accidents du travail graves ou mortels ;
-les atteintes à l’intégrité physique et morale des travailleurs, à leur dignité (situations de harcèlement sexuel, maltraitance de jeunes travailleurs, situations de danger grave, etc.) ;
-les atteintes aux droits fondamentaux (traitements inhumains, hébergement indigne, etc.) ;
-les situations de non-paiement de salaires ;
-les fraudes à l’activité partielle.
S’agissant en particulier de l’activité partielle, rappelons qu’une instruction du 5 mai 2020, envoyée aux Préfets et aux DIRECCTE, a lancé un plan de contrôle pour lutter contre les fraudes (voir notre actualité du 14 mai 2020 : « Activité partielle : le gouvernement lance son plan de contrôle des entreprises »).
Enfin, les inspections du travail s’assureront que l’organisation de l’élection du CSE est bien engagée dans les entreprises où elle doit l’être (voir ci-après).
Les procédures devant faire l’objet d’une particulière attention
Pour la DGT, certaines procédures doivent faire l’objet d’une attention particulière. Il s’agit des procédures suivantes.
Demandes d’autorisation de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés. – La DGT rappelle que si l’audition de l’employeur et du salarié en entretien physique est, « à titre exceptionnel », absolument nécessaire, la distanciation physique et les gestes barrières devront être respectés. Mais sur le principe, la DGT en reste pour l’heure aux principes dégagés en début de confinement dans une instruction du 17 mars (procédure contradictoire écrite par échange de courriers, éventuellement auditions par visioconférence ou par téléphone, notamment).
Demandes d’homologation de rupture conventionnelle. – La DGT rappelle que les délais d’homologation des ruptures conventionnelles ont repris leur cours (décret 2020-471 du 24 avril 2020, JO du 25).
De ce fait, une décision d’homologation tacite naît à l’issue du délai de 15 jours ouvrables à compter de la transmission de la convention à l’administration pour les ruptures conventionnelles déposées depuis le 26 avril 2020.
S’agissant des demandes d’homologation déposées avant le 26 avril 2020, la DGT demande aux DIRECCTE de répondre favorablement aux employeurs ou aux salariés qui solliciteraient une décision d’homologation expresse sans attendre l’écoulement du délai ayant recommencé à courir le 26 avril, à l’issue duquel une homologation implicite peut intervenir. À ce jour, la question ne se pose plus, les délais de 15 jours étant écoulés.
Enfin, une DIRECCTE constatant que la date de rupture du contrat de travail inscrite sur le formulaire a été fixée à une date déjà échue pouvait demander aux parties de modifier le formulaire afin d’y indiquer une date de rupture intervenant au plus tôt le lendemain de la date d’homologation (date à fixer d’un commun accord par un échange écrit et direct entre l’inspection du travail, l’employeur et le salarié).
Instruction des accords d’épargne salariale. – Les délais de six mois ou quatre mois à compter du dépôt d’un accord d’intéressement, d’un accord de participation ou d’un règlement d’un plan d’épargne salariale dont dispose l’administration pour demander le retrait ou la modification des dispositions illégales ne sont plus concernés par le principe de suspension ou de report des délais depuis le 26 avril 2020 (décret 2020-471 du 24 avril 2020, JO du 25 ; c. trav. art. L. 3313-3 et L. 3345-2).
Par conséquent, il appartient aux autorités administratives compétentes de définir avec les URSSAF les modalités dématérialisées permettant d’examiner les accords relatifs à l’épargne salariale et de notifier, le cas échéant, des observations à l’entreprise.
Les élections professionnelles
Redémarrage des processus électoraux suspendus. – La crise sanitaire a conduit les pouvoirs publics à suspendre les processus électoraux en cours et à reporter ceux qui auraient dû être engagés (ord. 2020-389 du 1er avril 2020, art. 1 et 2 modifiés ; ord. 2020-560 du 13 mai 2020, art. 9).
Les processus qui étaient en cours le 3 avril 2020 sont suspendus à compter du 12 mars jusqu’au 31 août inclus. Ils doivent donc reprendre le 1er septembre. Les processus qui devaient être enclenchés entre le 3 avril et le 31 août doivent être engagés entre le 24 mai et le 31 août au plus tard. Cette date, « librement choisie par l’employeur » selon l’instruction, ne peut toutefois pas être plus précoce que celle à compter de laquelle il tombe sous le coup de l’obligation d’engager le processus électoral. La DGT souligne que « vis-à-vis de ces entreprises, l’intervention de l’inspection du travail pour obtenir l’engagement du processus électoral est prioritaire dès lors que l’année 2020 est la dernière année du cycle électoral (…) ».
Suivi des engagements pris dans les demandes de chômage partiel. – Dans le cadre du recours à l’activité partielle, certaines entreprises qui n’avaient pas encore de CSE ont dû s’engager à faire le nécessaire pour organiser des élections professionnelles dès la levée de la période de suspension des processus électoraux (www.travail.gouv.fr, questions/réponses « Dispositif exceptionnel d’activité partielle », Q/R 8 du 3 avril 2020). Les employeurs pourront, le cas échéant, se voir rappeler leur engagement de mettre en place leur CSE dans le cadre du recours à l’activité partielle. Et les agents de l’inspection s’assureront que les entreprises concernées mettent effectivement en œuvre le processus électoral.
Instruction DGT du 19 mai 2020