Mémento IFRS n°s 31145 et 31146, édition 2021 à paraître et disponible en ligne sur le Navis Comptable Conso France/IFRS à compter de septembre 2020.
Par PwC, auteur du Mémento IFRS
REPONSE
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L’événement Covid-19 a pu entraîner pour certaines entités un arrêt de leur activité. Durant cette période, se pose la question de la poursuite du plan d’amortissement de leurs immobilisations.
L’ANC, la CNCC et le CSOEC ont répondu à cette question dans leurs guidances sur les impacts de cette crise.
En cas d’arrêt de l’activité, sauf à ce que l’amortissement soit fonction d’un nombre d’unités d’œuvre, l’amortissement des immobilisations incorporelles et corporelles ne peut être ni interrompu pendant la non-utilisation des actifs concernés, ni amoindri compte tenu d’une utilisation réduite des actifs concernés.
En période de réduction ou d’arrêt d’activité temporaire, une entité peut être amenée à s’interroger sur la nécessité de réviser la durée d’utilité et/ou la valeur résiduelle du bien. Toutefois, en pratique, un arrêt temporaire d’activité ne devrait pas en soi être un motif suffisant pour changer de mode d’amortissement.
L’une des questions qui se pose fréquemment dans le contexte de la crise actuelle porte sur les modalités d’amortissement d’une immobilisation en période de réduction ou d’arrêt d’activité temporaire. Notamment, peut-on arrêter d’amortir l’immobilisation pendant cette période ? Doit-on revoir les plans d’amortissement et si oui dans quelles conditions ?
Peut-on arrêter d’amortir une immobilisation en période de réduction ou d’arrêt d’activité temporaire ?
Non. Un arrêt ou une réduction d’activité (qui serait par exemple la conséquence d’une crise telle que la crise sanitaire connue en 2020) ne justifie pas l’arrêt de l’amortissement d’une immobilisation (IAS 16.55).
Pour rappel, une immobilisation cesse d’être amortie lorsqu’elle est classée en actifs non courants et groupes d’actifs détenus en vue de la vente, selon les critères de la norme IFRS 5 (voir MIFRS 36951 s.), à la date de sa décomptabilisation lors d’une cession (IAS 16.55) ou encore à la date de fin de son utilisation (en fin de vie).
La charge d’amortissement peut cependant être nulle pour les immobilisations amorties suivant la méthode des unités de production, si aucune unité n’est produite sur cette période.
L’inutilisation prolongée d’une immobilisation et la baisse de la production peuvent constituer un indice de perte de valeur qui déclenche la réalisation d’un test de dépréciation selon IAS 36 (voir MIFRS 35957).
Exemple —————————————————————————————————————
Exemple 1 Dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid-19, le Gouvernement impose la fermeture des magasins de loisirs et le locataire C ne peut donc plus ouvrir son magasin pris en location au sein d’un centre commercial. De plus, l’accès au magasin est très limité et le locataire C n’est pas autorisé à effectuer des travaux de rénovation dans le magasin, ni à utiliser le magasin comme entrepôt pour ses ventes en ligne. Cependant, les biens du locataire C restent entreposés dans les locaux. Le preneur C amortit son actif « droit d’utilisation » sur une base linéaire sur la durée du contrat de location, car c’est la méthode qui reflète le plus fidèlement le schéma de consommation attendu des avantages économiques futurs incorporés dans le contrat de location. Pour cet actif « droit d’utilisation », le facteur limitant prédominant est la période de temps pendant laquelle le preneur a le droit contractuel d’utiliser l’actif sous-jacent pendant la durée du contrat de location.
Solution de l’exemple 1 Pendant la période de fermeture, il ne serait pas approprié que le preneur C cesse d’amortir l’actif ou modifie sa méthode d’amortissement. En effet, l’amortissement ne cesse pas lorsque l’actif devient inactif ou est retiré de l’utilisation active selon la méthode d’amortissement linéaire (IAS 16.55).
Exemple 2 Une compagnie aérienne a choisi d’amortir le moteur de ses avions en fonction du nombre d’heures de vol. Or, depuis le début du confinement, 90 % de ces avions sont cloués au sol.
Solution de l’exemple 2 La charge d’amortissement sur cette période sera nulle pour les moteurs des avions n’ayant pas volé.
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Quels sont les impacts d’une période de réduction ou d’arrêt d’activité temporaire sur le plan d’amortissement d’une immobilisation ?
Il convient d’apprécier si un changement d’estimation doit être effectué en ce qui concerne la durée d’utilité, la valeur résiduelle et le mode d’amortissement. Un tel changement d’estimation n’est possible que si les conditions d’exploitation le justifient. Si un tel changement est intervenu, le changement est constaté de façon prospective, sans remise en cause du passé.
En pratique, un arrêt temporaire d’activité ne devrait pas en soi être un motif suffisant pour changer de mode d’amortissement, car il ne devrait pas modifier de manière significative la façon dont l’entité s’attend à consommer les avantages économiques futurs d’une immobilisation.
Il conviendra également de revoir l’estimation des durées d’utilité en lien avec les décisions managériales (par exemple, lors d’un arrêt programmé d’activité).
La durée d’utilité, la valeur résiduelle et le mode d’amortissement doivent être réexaminés au moins à chaque fin d’exercice. Un tel changement, s’il intervient, est qualifié de changement d’estimation, dont les impacts sont à comptabiliser de façon prospective, sans remise en cause du passé (IAS 16.51 et.61).
La norme précise qu’un changement du mode d’amortissement n’est possible qu’en cas de changement significatif dans la façon dont l’entreprise s’attend à consommer les avantages économiques futurs liés à l’actif, voir ci-après.
Révision de la durée d’utilité en période d’arrêt d’activité
En pratique, la durée d’utilité peut être allongée si une période d’arrêt (conséquence d’une crise telle que la crise sanitaire connue en 2020) prolonge la durée de vie de l’immobilisation au-delà de son estimation initiale. À l’inverse, si l’entreprise décide d’arrêter l’activité dans un délai programmé (par exemple, décision de fermer une usine d’ici à deux ans), cette décision viendra vraisemblablement raccourcir la durée d’utilité des immobilisations avec un amortissement plus rapide. Il conviendra donc de revoir les durées d’utilité des immobilisations en lien avec les décisions managériales.
Certaines décisions peuvent constituer un indice de perte de valeur entraînant la nécessité de réaliser un test de dépréciation de l’actif, avant de réajuster la durée d’utilité.
Passage d’un mode d’amortissement linéaire à un mode d’amortissement selon les unités de production
Le mode d’amortissement d’un actif doit refléter le rythme selon lequel l’entité s’attend à consommer les avantages économiques futurs liés à l’actif (IAS 16.60). Le passage d’un mode d’amortissement linéaire à un mode d’amortissement selon les unités de production est possible en théorie, mais de façon très limitative en pratique. Il convient de démontrer :
- – soit qu’il y a eu un changement significatif dans la façon dont l’entité s’attend à consommer les avantages économiques liés à l’actif. Il convient également de démontrer que le passage du temps, qui inclut l’obsolescence, a cessé d’être le principal facteur limitatif des avantages générés par l’immobilisation ;
En pratique, un arrêt temporaire d’activité ne devrait pas en soi être un motif suffisant pour changer de mode d’amortissement, car il ne devrait pas changer significativement la façon dont l’entité s’attend à consommer les avantages économiques futurs d’une immobilisation.
- – soit que l’entité amortissait en linéaire par simplification, parce que le résultat était proche du rythme réel de consommation attendu des avantages économiques futurs, ce qui n’est plus vrai en période d’arrêt d’activité.
En effet, un changement du mode d’amortissement serait possible si l’entité retenait jusqu’ici l’amortissement linéaire comme une façon pratique d’approcher la méthode des unités de production, par exemple pour une entité qui amortissait un moteur d’avion en mode linéaire, qui pourrait alors justifier le passage à un amortissement en fonction des heures de vol (dans la mesure où l’utilisation de la méthode linéaire n’a plus les mêmes effets que la méthode des unités d’œuvre) (voir Exemple 1 ci-après).
Lors de la reprise de l’activité, un retour ultérieur à l’amortissement linéaire ne devrait généralement pas être approprié.
Exemple —————————————————————————————————————
Exemple 1 L’entité A est une compagnie aérienne. Le moteur d’un avion peut effectuer 5 000 heures de vol avant d’être remplacé. L’entité projette d’utiliser la totalité de ces heures de vol avant le remplacement d’un moteur. Chaque avion parcourt la même distance d’une année à l’autre. L’entité a amorti les moteurs des avions linéairement, car le mode d’amortissement linéaire se rapproche d’un amortissement basé sur le nombre d’heures de vol.
Du fait d’une restriction sur les déplacements mondiaux, l’entité doit immobiliser ses avions au cours du premier trimestre de l’année N. La date de la levée de la restriction est inconnue.
Solution de l’exemple 1 L’entité réévalue le mode d’amortissement de ses moteurs d’avions à la fin du premier trimestre et estime que le mode d’amortissement linéaire n’est plus une bonne approximation d’un amortissement basé sur le nombre d’heures de vol. L’entité change ainsi le mode d’amortissement de ses moteurs d’avions pour passer au mode des unités de production.
Après la fin de la période de restriction, il est peu probable que l’entité A puisse à nouveau utiliser le mode d’amortissement linéaire, dans la mesure où les unités de production continueront à refléter le mode de consommation des avantages économiques du moteur de l’avion.
Exemple 2 L’entité B possède et exploite une compagnie aérienne locale. Le moteur de l’avion peut voler 5 000 heures de vol avant d’être remplacé, ce qui couvrirait sept ans de trajectoires de vol. Cependant, l’entité a pour politique de remplacer ses moteurs tous les cinq ans, quel que soit le nombre d’heures de vol. L’entité B détermine donc que les avantages économiques du moteur sont limités dans le temps, et l’amortissement linéaire est la méthode d’amortissement la plus appropriée.
Au cours du premier trimestre de 2020, la flotte d’avions de l’entité B est immobilisée en raison de restrictions de voyage imposées pour réduire la propagation du Covid-19. On ne sait pas quand ces restrictions seront levées. L’entité B considère toujours que la durée de vie utile du moteur est de cinq ans, conformément à sa politique de remplacement de ses moteurs à l’heure actuelle.
Solution de l’exemple 2 Étant donné que l’entité B a déterminé que les avantages économiques du moteur sont limités dans le temps, il serait inapproprié de passer à une méthode d’amortissement des unités de production. L’entité B devrait continuer d’amortir l’avion selon le mode linéaire pendant sa période au sol.
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source Editions Francis Lefebvre 2020