Ne peut pas être mise en œuvre à l’encontre de l’associé salarié d’une SAS la clause d’un pacte prévoyant le rachat forcé de ses actions en cas de violation d’un engagement de non-concurrence si celui-ci est disproportionné et ne contient pas de contrepartie financière.
Un salariés d’une SAS de conseil informatique devient associé minoritaire de celle-ci. Il conclut avec les autres associés un pacte d’associés, comportant une clause de non-concurrence qui lui interdit, tant qu’il sera associé et pendant une année après la date à laquelle il cessera de l’être, de détenir une participation dans une entité exerçant une activité concurrente à celle de la SAS, ainsi que de gérer, contrôler, être rémunéré ou lié de quelque manière que ce soit avec une telle entité, cette interdiction s’appliquant dans toute l’Union européenne. Le pacte comporte également une promesse de cession des actions du salarié au bénéfice de l’associé majoritaire en cas de violation de cet engagement ou de licenciement pour faute grave.
Quelque temps après, la société rompt le contrat de travail de l’associé minoritaire pour faute grave. Se prévalant de ce licenciement, mais également d’une violation de la clause de non-concurrence, l’associé majoritaire procède au rachat forcé des actions du salarié.
La cour d’appel de Paris invalide ce rachat et ordonne à la SAS de rétablir le salarié dans ses droits d’associés, estimant que les conditions prévues dans le pacte n’étaient pas réunies. L’associé majoritaire ne pouvait pas se prévaloir du licenciement du salarié pour faute grave, un jugement du conseil des prud’hommes ayant déclaré ce licenciement abusif. Il ne pouvait pas non plus invoquer une violation de la clause de non-concurrence, car celle-ci n’était pas valable :
- cette clause était certes limitée dans l’espace mais, s’appliquant à un territoire de 28 pays comprenant 447 millions d’habitants, et bien que les services informatiques soient par nature transfrontaliers, elle était disproportionnée à la protection des activités de la SAS ;
- elle aurait eu pour effet d’interdire au salarié, ingénieur spécialisé dans les services informatiques, toute activité sur un territoire très vaste ;
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elle aurait dû prévoir une contrepartie financière, dès lors qu’elle s’appliquait à un salarié, peu important que ce dernier ait aussi la qualité d’associé et peu important que les faits qui lui étaient reprochés soient antérieurs à son licenciement et relèvent d’une violation de son obligation de loyauté en tant que salarié ; or, ne constitue pas une telle contrepartie financière l’augmentation de la valeur des actions de la société qui pourrait résulter pour l’intéressé des clauses du pacte limitant les cessions d’actions aux tiers ni de celles lui permettant d’acquérir des actions d’éventuels associés sortants, ces avantages étant seulement hypothétiques.
A noter :
Pour être valable, une clause de non-concurrence ne doit pas interdire à celui qui s’engage l’exercice de toute activité professionnelle. Elle doit être limitée dans le temps et dans l’espace et être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger (Cass. com. 11-3-2014 n° 12-12.074 F-D : RJDA 6/14 n° 537 ; Cass. com. 20-9-2016 n° 15-13.263 F-D : RJDA 12/16 n° 845). Lorsqu’elle est souscrite dans un pacte d’actionnaires par un associé également salarié de la société, la validité de son engagement de non-concurrence est soumise à des conditions plus strictes. La clause doit être indispensable (et non plus simplement proportionnée) à la protection des intérêts légitimes de la société, limitée dans le temps et l’espace, tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporter une contrepartie financière à son profit (cf. Cass. com. 15-3-2011 n° 10-13.824 F-PB : RJDA 6/11 n° 549). Celle-ci ne doit pas être dérisoire (Cass. soc. 15-11-2006 n° 04-46.721 FS-PB : RJS 1/07 n° 50).
La contrepartie financière ne s’impose que si, à la date où il souscrit la clause, l’intéressé a la qualité de salarié de la société qu’il s’est engagé à ne pas concurrencer (Cass. com. 8-10-2013 n° 12-25.984 F-D : RJDA 2/14 n° 124). En l’espèce, le salarié avait bien cette qualité lorsqu’il avait conclu le pacte d’actionnaires. Les faits qui lui étaient reprochés, des actes de concurrence déloyales, étaient intervenus en cours d’exécution de son contrat de travail ; ils contrevenaient non seulement à la clause de non-concurrence mais également au devoir de loyauté de tout salarié envers son employeur. Pour la cour d’appel, cette circonstance n’était pas de nature à dispenser la clause de prévoir une contrepartie financière à peine de nullité, le seul critère étant la qualité de salarié au moment de sa souscription.
Source : Editions Francis Lefebvre
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