Les conséquences fiscales de l’exécution des clauses de garantie de passif ou de révision de prix concernent essentiellement les impôts directs (IR et IS).
Ces conséquences fiscales ont suscité pendant longtemps beaucoup d’interrogations et d’incertitudes :
- le cédant peut-il déduire les sommes versées de ses revenus imposables ou demander la révision de l’imposition dont il a fait l’objet sur la plus-value réalisée lors de la cession des titres ? ;
- le bénéficiaire de la garantie est-il de son côté imposable ou non sur les sommes perçues ? ;
- les règles applicables sont-elles identiques quelle que soit la nature de la garantie accordée : garantie de bilan ou clause de révision de prix ?
La loi et la jurisprudence ont peu à peu apporté des réponses à ces questions, sans manifester toutefois un grand souci de cohérence car les solutions retenues diffèrent selon que les parties à l’opération sont des particuliers ou des entreprises. En outre, tous les problèmes susceptibles de se rencontrer dans la pratique ne sont pas encore réglés, en particulier lorsque cédant et/ou acquéreur sont des entreprises.
En matière de droits d’enregistrement, l’acquéreur peut demander, dans le délai de réclamation, la restitution des droits acquittés sur la fraction du prix des droits sociaux qui lui est reversée par le cédant à condition que la clause mise en jeu soit une clause de révision de prix.
S’agissant de la TVA, les sommes versées par le cédant ne sont pas à notre avis soumises à la taxe, quelle que soit la nature de la garantie accordée.
Situation du cédant
Pour le cédant, la mise en œuvre d’une clause de garantie de passif ou de révision de prix se traduit automatiquement par une diminution de la plus-value (ou une augmentation de la moins-value) réalisée lors de la cession. Les conséquences fiscales qu’il convient d’en tirer sont très différentes selon que le cédant est un particulier ou une entreprise.
Cédant particulier
Les particuliers qui, après avoir cédé des parts ou des actions, sont tenus d’exécuter une clause de garantie de passif peuvent, sous certaines conditions, demander le dégrèvement de l’imposition initiale qui s’est appliquée à la fraction de plus-value effacée par le reversement qu’ils doivent effectuer.
Cette possibilité leur est ouverte par l’article 150-0 D, 14 du CGI qui permet de procéder dans ce cas à un nouveau calcul de la plus-value.
Remarque : Réservé aux plus-values privées, l’article 150-0 D, 14 du CGI n’a pas vocation à s’appliquer lorsque le cédant est une personne physique qui cède les parts d’une société de personnes au sein de laquelle elle exerce son activité professionnelle et qui, de ce fait, relève du régime des plus-values professionnelles. Dans ce cas, les sommes versées devraient selon nous être soumises à un régime similaire à celui qui s’applique lorsque le cédant est une entreprise (n° 68120 s.). Autrement dit :
Conditions de dégrèvement
Cette formulation paraît au premier abord se référer à un seul type de clause : les clauses de révision de prix, qui ne peuvent entraîner une restitution supérieure au prix de cession et dont le bénéficiaire est nécessairement l’acquéreur. Mais le même article 150-0 D, 14, dans un second alinéa visant la situation de l’acheteur, qualifie les versements précédemment définis de sommes reçues en exécution d’une « clause de garantie de passif ou d’actif net ». On peut en conclure que le texte fiscal, ignorant les distinctions juridiques, n’entend pas faire de différence entre révision de prix et garantie de bilan de type indemnitaire. La doctrine administrative conforte cette analyse puisqu’elle admet l’application du dégrèvement lorsque le reversement de tout ou partie du prix de cession est effectué, non pas au profit de l’acquéreur, mais au profit de la société dont les titres sont cédés, afin de lui permettre, notamment, de combler le passif objet de la clause.
La loi définit par ailleurs restrictivement l’objet de la garantie comme suit : il doit s’agir de « la révélation, dans les comptes de la société dont les titres font l’objet du contrat, d’une dette ayant son origine antérieurement à la cession ou d’une surestimation de valeurs d’actif ». Là encore, l’administration fait une application extensive du texte légal en admettant que la convention de garantie de passif :
Cela dit, même interprété de manière assez large, le texte légal ne couvre pas toutes les formules de garantie susceptibles de se rencontrer dans la pratique et laisse subsister un certain nombre de questions. Que se passe-t-il par exemple si le montant des sommes versées à la société au titre d’une garantie de bilan excède le prix de cession : le cédant peut-il alors déduire l’excédent de son revenu imposable au titre de l’année de paiement ? On notera que la jurisprudence du Conseil d’État intervenue sous le régime antérieur à l’entrée en vigueur de l’article 150-0 D, 14 s’opposait à l’imputation des sommes en cause sur le revenu global mais paraissait autoriser la constatation à due concurrence d’une moins-value imputable sur les plus-values de même nature.
Pour préserver son droit d’obtenir une restitution de l’impôt versé initialement en cas de mise en œuvre de la garantie, le cédant doit donc non seulement établir un acte de cession (ce qui n’est pas obligatoire lorsque les titres sont des actions), mais aussi faire figurer dans cet acte, ou dans l’une de ses annexes, le contenu de la clause de garantie. Les actes de cession de droits sociaux et leurs annexes étant obligatoirement soumis à la formalité de l’enregistrement (CGI art. 635, 2-7°), le cédant prend ainsi le risque de fournir à l’administration des informations sensibles qu’il préférerait peut-être garder confidentielles, en particulier lorsqu’elles mettent en évidence la fragilité de la situation fiscale de la société cédée. L’intérêt réel du dispositif de dégrèvement peut en être sérieusement affecté : le cédant qui se porte garant de rappels d’imposition redoutés en espérant y échapper grâce au jeu de la prescription n’a par exemple aucun intérêt à révéler cette situation au fisc dès lors que les rappels d’impôt auxquels il s’expose seront plus élevés que le dégrèvement auquel il pourra prétendre en contrepartie.
Pour éviter ce genre d’inconvénient, peut-on envisager de n’inclure dans l’acte de cession que le mécanisme général de la garantie, en consignant ses modalités détaillées d’application dans un document séparé non enregistré ? La solution est à notre avis risquée car il est à craindre que l’administration refuse le dégrèvement demandé si elle s’aperçoit que la mise en jeu de la garantie ne procède pas des termes mêmes des documents enregistrés.
En cas de conflit entre les parties sur la portée de la clause et de saisine de l’autorité judiciaire ou d’une instance arbitrale, l’obligation du cédant ne revêt un caractère définitif que si toutes les voies de recours sont épuisées.
Modalités de dégrèvement
L’article 150-0 D, 14 du CGI dispose que le prix de cession des droits sociaux retenu pour la détermination des gains nets imposables doit être diminué du montant du versement effectué par le cédant en exécution de la clause de garantie. Autrement dit, il est procédé à un nouveau calcul de la plus-value sur la base du prix de cession initial diminué du montant du reversement effectué par le cédant, sans que cette nouvelle liquidation puisse toutefois, selon l’administration, avoir pour effet de dégager une perte nette. Mais, selon nous, rien ne justifie cette restriction qui ne résulte pas du texte légal : on ne voit pas pourquoi l’opération ne pourrait pas se solder par une perte après prise en compte du reversement du cédant.
Après prise en compte de ce versement, l’opération se traduit par une moins-value de 10 000 € : 40 000 (100 000 – 60 000) – 50 000 et non pas, comme le prétend l’administration, par un résultat nul : 50 000 (100 000 – 50 000) – 50 000 = 0 €.
La somme versée au titre d’une demande de mise en jeu de garantie de passif formulée après l’expiration de la convention de garantie n’est pas non plus admise en déduction pour le calcul de la plus-value imposable.
Dès lors que la clause de garantie de passif ou d’actif net est exécutée au cours d’une année postérieure à celle de la cession, la réduction ou le dégrèvement total de l’imposition initialement établie doit être demandé par le contribuable par voie de réclamation adressée au service des impôts.
Pour être recevable, cette réclamation doit être présentée à l’administration dans les délais prévus à l’article R 196-1, c du LPF, soit au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation de l’événement qui motive la réclamation. Le délai se décompte ici à partir de la date à laquelle le versement effectué au titre de la garantie revêt un caractère définitif.
En N + 2, le cédant reverse une partie du prix de cession à l’acquéreur en exécution de la clause de garantie dont la portée n’est pas contestée. Le cédant a jusqu’au 31 décembre N + 4 pour présenter une réclamation afin d’obtenir le dégrèvement de l’impôt payé en trop.
En l’absence d’une réclamation dans le délai imparti, tendant à la réduction de l’imposition de la plus-value mise à la charge du contribuable, celui-ci n’est pas fondé à demander au juge que la somme versée durant l’année N au titre de la garantie de passif soit imputée sur le complément de prix perçu durant l’année N + 2.
En cas de rejet d’une réclamation effectuée prématurément, avant que le versement opéré au titre de la garantie de passif présente un caractère définitif, le cédant peut justifier ultérieurement devant le juge de l’impôt du caractère définitif de sa dette.
JUSTIFICATIFS À PRODUIRE
Les contribuables qui demandent la décharge ou la réduction de l’imposition initiale doivent, conformément à l’article 74-0 H de l’annexe II au CGI, fournir à l’appui de leur réclamation les pièces justificatives suivantes :
Le service des impôts instructeur de la réclamation peut également demander au contribuable tout document qu’il estime utile à l’instruction de la réclamation.
Précision : Lorsque les versements sont effectués au profit de la société dont les titres ont été cédés, l’administration demande au cédant de produire à l’appui de sa réclamation :
Cédant entreprise
Lorsque la convention prévoit une révision du prix de vente des titres, l’article 39 duodecies, 9 du CGI autorise l’entreprise cédante à déduire la perte subie à raison du reversement de tout ou partie du prix de cession. Cette perte est traitée, par symétrie avec le résultat dégagé lors de la cession :
Lorsque la cession avait dégagé une moins-value, un complément de moins-value est enregistré.
Ni la loi ni le Conseil d’État n’ont précisé le traitement fiscal applicable aux versements effectués au titre d’une garantie de bilan qui, d’un point de vue juridique, ont un caractère indemnitaire mais qui, d’un point de vue financier, peuvent être regardés, de fait, comme un remboursement du prix reçu de l’acquéreur. Selon l’approche privilégiée, la charge supportée sera considérée :
Situation du bénéficiaire de la garantie
Acquéreur
Il en est ainsi même si le vendeur n’a pas demandé de son côté le dégrèvement de tout ou partie de l’imposition initiale dont il a fait l’objet.
Réservé aux plus-values privées, l’article 150-0 D du CGI n’a pas vocation à s’appliquer lorsque le bénéficiaire de la garantie est une personne physique qui a acquis des parts dans une société de personnes au sein de laquelle elle exerce son activité professionnelle et qui relève de ce fait du régime des plus-values professionnelles. Dans ce cas, les sommes perçues devraient semble-t-il être soumises à un régime similaire à celui qui s’applique lorsque l’acquéreur est une entreprise. Autrement dit :
Le Conseil d’État a jugé à deux reprises que l’indemnité perçue par l’entreprise acquéreur en exécution d’une garantie de type indemnitaire fait partie du résultat ordinaire imposable après avoir relevé :
Selon le Conseil d’État, l’acquéreur peut seulement constituer le cas échéant une provision pour dépréciation destinée à constater la diminution de valeur de sa participation due à la révélation du passif ou à la diminution de l’actif que l’indemnité a pour vocation de combler. On observera à cet égard que la diminution de l’actif net de la société acquise n’entraîne pas nécessairement une dépréciation de la valeur économique de ses titres, ce qui rend la constitution d’une provision très aléatoire au cas particulier. En outre, à supposer même qu’elle soit justifiée, la provision ne sera pas toujours déductible, soit qu’elle relève du régime des moins-values à long terme et ne puisse par suite être imputée que sur des plus-values à long terme, soit qu’elle concerne des titres de participation ou assimilés détenus par une société soumise à l’IS, dont la dépréciation ne peut pas donner lieu à déduction.
La mise en œuvre d’une clause de révision de prix consiste à évaluer à la baisse la valeur des droits sociaux acquis, donc à réduire le prix initialement fixé et, par suite, le montant pour lequel la participation acquise est inscrite à l’actif du bilan de l’acquéreur. Il en résulte que les sommes perçues en exécution d’une clause de révision de prix (ou la réduction de la dette de l’acquéreur envers le cédant) restent sans incidence sur le résultat imposable de l’acquéreur puisqu’elles ont pour contrepartie directe une diminution de même montant du prix de revient pour lequel les titres sont inscrits au bilan. La doctrine administrative est en ce sens et une lecture a contrario des décisions déjà citées du Conseil d’État du 24 avril 1981 et du 24 juin 2013 confirme cette analyse : dans ces affaires, c’est en effet après avoir relevé qu’on n’était pas en présence d’une réduction du prix de cession que le Conseil d’État a jugé que les sommes perçues par l’acquéreur en exécution d’une clause de garantie de passif étaient imposables.
Bien entendu, la réduction du prix de revient des parts ou actions sera prise en compte pour le calcul de la plus-value lors de la cession ultérieure des titres.
Pour l’acquéreur, la formule de la révision de prix présente ainsi l’intérêt de ne pas générer immédiatement de profit imposable (à moins bien sûr qu’il s’agisse d’un investisseur financier ayant acquis les titres en vue de les revendre rapidement pour réaliser une plus-value).
Société cédée
L’indemnité est-elle également taxable lorsqu’elle est destinée à faire face à une charge non déductible fiscalement, par exemple un rappel d’impôt sur les sociétés ? Elle ne devrait pas dans ce cas être comprise dans le bénéfice imposable de la société. Le Conseil d’État a en effet jugé que les indemnités versées à un contribuable pour réparer une diminution de ses valeurs d’actif, en vertu d’une obligation de réparation incombant à la partie versante, ne constituent des recettes imposables que si la perte ou la charge qu’elles ont pour objet de compenser est elle-même déductible des bénéfices imposables. S’alignant sur cette jurisprudence qui, certes, n’a pas été dégagée à propos d’une garantie de passif mais semble transposable à cette hypothèse, l’administration considère que lorsque la somme versée à la société cédée en application d’une garantie de passif a pour objet de compenser une charge fiscalement non déductible, cette somme ne constitue pas un produit imposable pour la société.
Cette jurisprudence a été confirmée par un arrêt du 5 octobre 1988, où les faits étaient très différents : l’indemnité en litige avait été versée à l’entreprise par l’État, qui avait été condamné à réparer le préjudice que cette société avait subi par la faute des services de l’équipement dont le mauvais fonctionnement avait provoqué un retard dans la réalisation d’immobilisations et entraîné un surcoût pour cette réalisation.