La clause de garantie de passif

Une clause de garantie de passif est destinée à protéger l’acquéreur contre l’apparition, postérieurement à la cession, d’un événement dont la cause lui est antérieure et qui se traduirait par un accroissement du passif ou une diminution de l’actif, comme, par exemple, un redressement fiscal ou un procès intenté par un fournisseur ou un client.

Le caractère limité de la garantie légale applicable en cas de cession de parts ou d’actions conduit les acquéreurs, surtout lorsque la cession porte sur une fraction importante des droits sociaux, à exiger des cédants qu’ils souscrivent des clauses de garantie portant sur les éléments d’actif et/ou de passif de la société dont les droits sont cédés

L’existence de cette clause n’interdit pas à l’acquéreur de demander une indemnisation sur le fondement du droit commun des contrats ou de la vente, par exemple en raison d’un vice caché ou d’un dol, même si la preuve d’un vice ou d’un dol est parfois difficile à établir. Ces recours peuvent se révéler plus intéressants pour l’acquéreur si la clause de garantie prévoit un plafond d’indemnisation ; ils peuvent en outre permettre d’obtenir l’anéantissement de la cession, ce que ne peut pas permettre la mise en œuvre de la garantie de passif.

 

GARANTIE DONNÉE PAR LES ASSOCIÉS/ACTIONNAIRES OU UNE SOCIÉTÉ

 

Garantie accordée par les associés/actionnaires : Les clauses de garantie obligent généralement le cédant à prendre en charge le passif social qui viendrait à se révéler après la cession. Lorsque ces clauses sont souscrites par des associés de SARL ou par des actionnaires de sociétés par actions, ceux-ci sont considérés comme ayant valablement dérogé à la règle selon laquelle ils ne sont pas tenus au paiement des dettes sociales, de sorte qu’ils ne peuvent pas utilement invoquer cette règle pour refuser d’exécuter la garantie.

Garantie accordée par la société : Pour que la société soit engagée par la garantie, celle-ci doit avoir été conclue en son nom par le dirigeant pris en cette qualité.

LA CLAUSE NE SE PRESUME PAS

La garantie doit être expressément prévue dans l’acte de cession ou dans un acte séparé. En effet, elle ne se présume pas et ne peut résulter ni du silence de l’acte ni des termes ambigus d’une clause.

 

ETENDUE DE LA GARANTIE

 

L’étendue de l’engagement du cédant s’apprécie en fonction du contenu de la clause de garantie. Lorsqu’elle est claire et précise, le juge doit, en cas de litige, s’en tenir à ce qu’elle prévoit à peine de dénaturation. Dans le cas contraire, il doit l’interpréter en tenant compte de la commune intention des parties ou, à défaut de pouvoir déceler celle-ci, donner à la clause un sens raisonnable.

 

ELEMENTS DE PASSIF GARANTIES

 

En cas de cessions successives de droits sociaux à un même acquéreur, la garantie ne peut s’appliquer qu’à la cession à laquelle elle se rapporte.

Le passif couvert par la garantie correspond aux dettes nouvelles dont la cause ou l’origine est antérieure à la cession (ou à une date déterminée par les parties dans la clause) et qui ne figure pas dans les comptes sociaux ou pour un montant insuffisant.
On entend par « dettes » les engagements de la société à l’égard des tiers, que ces engagements résultent d’obligations légales (notamment impôts et cotisations sociales) ou contractuelles.

Le terme « dette » désigne tout engagement à l’égard des tiers, que celui-ci fasse ou non l’objet d’un litige.

DETTES VISÉES PAR LA GARANTIE DE PASSIF

Le plus souvent, la clause précise quelles catégories de dettes sont visées par la garantie (dettes à l’égard du Trésor public, de tel ou tel fournisseur, emprunt bancaire, etc.).
À défaut de précision, toute dette nouvelle est couverte par la garantie, quelle qu’en soit la nature.

PASSIF DONT L’ORIGINE EST ANTÉRIEURE À LA CESSION

 

Pour déterminer si une dette a son origine avant la cession (ou à une date déterminée dans la clause de garantie, qui peut, par exemple, correspondre à la date d’établissement du « bilan de référence » en fonction duquel les parties ont fixé le prix de cession), le juge prend en compte la date du fait générateur de cette dette, c’est-à-dire la date de l’acte (par exemple, le contrat) ou du fait juridique qui lui a donné naissance. Peu importe donc la date à laquelle la dette est devenue exigible.
Ce principe ne s’applique pas aux dettes nées de contrats à exécution successive.
 
CONTRATS À EXÉCUTION SUCCESSIVE : En présence d’un contrat à exécution successive, seules sont couvertes par la garantie les dettes se rapportant à une période d’exécution antérieure à la cession. Ainsi, il a été jugé qu’en acceptant sans restriction la cession des parts d’une société locataire de locaux commerciaux, l’acquéreur s’était nécessairement engagé à assumer la charge financière des loyers et que la garantie de passif souscrite par le cédant ne pouvait donc pas s’appliquer au règlement des loyers postérieurs à la cession car ceux-ci ne constituaient pas un passif nouveau ayant une cause antérieure à la cession, mais étaient la simple continuation des baux en cours qu’aucun écrit n’avait modifiés (CA Paris 4-7-1995 n° 93-23798 : RJDA 12/95 n° 1374).
De même, jugé qu’une clause de garantie de passif ayant prévu l’indemnisation de l’acquéreur des parts de la société pour tout manque à gagner ou préjudice subi par celle-ci, dont l’origine était antérieure au protocole de cession et qui n’avait pas été comptabilisé ou suffisamment provisionné dans les comptes, ne pouvait pas couvrir les pertes sur un marché lié à l’exécution d’un contrat dès lors que ces pertes trouvaient leur origine dans le déroulement de ce contrat, bien après la cession.
 

GARANTIE DU PASSIF PÉNAL

 

Depuis que les sociétés peuvent être condamnées à des sanctions pénales, certaines clauses de garantie couvrent les augmentations du passif résultant de sanctions prononcées à l’encontre de la société après la cession pour des infractions commises avant celle-ci. Si le bénéficiaire d’une telle garantie est la société, la clause se heurte au principe d’ordre public interdisant de décharger une personne des conséquences de sa responsabilité pénale (principe de la personnalité des peines), ce qui entraînerait la nullité de cette clause ; c’est pourquoi une garantie de « passif pénal » doit, pour être valable, désigner exclusivement et sans ambiguïté l’acquéreur comme bénéficiaire.

En cas de fusion-absorption, la Cour de cassation a consacré le principe de la transmission à la société absorbante de la responsabilité pénale pour les infractions commises par la société absorbée antérieurement à la fusion. Dans le même arrêt, la Cour a précisé que « les actionnaires de la société absorbante peuvent être protégés, notamment, par l’insertion d’une clause de déclarations et de garanties dans l’accord de fusion ». Pour le professeur Couret, une garantie pourrait ainsi être donnée par les actionnaires historiques de la société absorbée au profit des actionnaires de la société absorbante, par un acte séparé du traité de fusion. La garantie pourrait aussi être souscrite au profit d’un acquéreur de la société absorbante. Le professeur doute en revanche de la validité d’une garantie souscrite au profit de la société absorbante
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Les parties peuvent ne pas limiter la garantie aux seules condamnations de la société à des amendes. La clause peut ainsi porter sur les aggravations du passif résultant d’autres sanctions (fermeture d’établissement, exclusion des marchés publics, interdiction d’exercer certaines activités ou d’émettre des chèques, etc.) qui, même si elles n’ont pas toutes un caractère pécuniaire, entraînent une dévalorisation de l’actif social. Compte tenu de la difficulté de trouver des paramètres permettant d’évaluer avec précision les conséquences financières de telles sanctions, il nous paraît opportun de confier à un tiers le soin de déterminer le montant de l’indemnité en pareil cas. Pour le cas extrême où la sanction retirerait toute valeur à la société, les parties pourraient prévoir la résolution de la cession.
 

GARANTIE DU PASSIF « ENVIRONNEMENTAL »

La garantie de passif peut couvrir les conséquences de pollutions révélées après la cession, mais dont la cause est antérieure. Il est alors recommandé de préciser dans la clause les types de dommages que le cédant s’engage à indemniser : par exemple, décontamination, mise aux normes des installations (incluant, en cas de remplacement d’appareils, les frais de démontage, de remontage, de transport et le coût de destruction des appareils remplacés), réparation des équipements endommagés, dommages causés aux tiers, pertes d’exploitation et dommages immatériels causés à la société (notamment, atteinte à son image), le tout pouvant être diminué, le cas échéant, du montant des indemnités d’assurance versées à la société.

 
Lorsque les cédants des actions d’une société exploitant des décharges de déchets industriels ont garanti que la société est titulaire des autorisations nécessaires à l’exercice de son activité et que les décharges sont exploitées conformément à la réglementation en vigueur, la garantie s’applique dès lors qu’il est établi que les décharges ne sont pas conformes à la réglementation à la date de la cession. En effet, dès l’instant où la réglementation n’est pas appliquée, la société se trouve exposée à des mises en demeure de l’administration génératrices de dépenses, malgré la tolérance dont les cédants ont pu bénéficier et que l’administration n’est jamais tenue de maintenir.
 
Précisions : Dans cette affaire, la mise en jeu de la garantie n’était subordonnée ni à une intervention de l’administration ni à une mise en demeure de respecter des arrêtés antérieurs. Cette garantie devait donc s’appliquer dès l’instant où un défaut de conformité était constaté, peu important qu’aucune obligation de remise en état n’ait été imposée à la société par l’administration.

GARANTIE DU PASSIF « HORS BILAN »

 

À notre avis, la garantie de passif s’étend, sauf clause contraire, aux engagements hors bilan, c’est-à-dire aux obligations éventuelles de la société, dont la mise en œuvre n’est ni certaine ni probable à la date d’établissement des comptes, et qui ne peuvent donc pas y figurer, même sous forme de provisions. Sont notamment visées les garanties données par la société, qui ne peuvent faire l’objet que d’une mention dans l’annexe des comptes annuels. Jugé, par exemple, que le paiement de loyers ne constitue pas un engagement hors bilan que le cédant avait promis de faire reprendre avant la cession ; en effet, ce paiement constitue, au même titre que celui des salaires, des frais d’entretien ou des primes d’assurances, un engagement habituel n’ayant pas à figurer à l’annexe, laquelle ne doit comporter que des engagements exceptionnels ou déséquilibrés, tels que les cautionnements

 

ELEMENTS EXCLUS DE LA GARANTIE

 

Rien n’interdit aux parties de prévoir expressément que certains éléments du passif et/ou de l’actif (par exemple, dettes à l’égard du Trésor public ou créances inférieures à un certain montant) ne seront pas couverts par la garantie du cédant. Ces exclusions de garantie doivent alors résulter clairement du libellé de la clause. En matière de garantie d’actif net, les parties peuvent ainsi prévoir de ne pas prendre en compte la distribution régulière de bénéfices antérieurement à la cession pour calculer la variation d’actif net, de sorte que l’acquéreur ne peut pas se prévaloir de cette distribution pour établir l’existence d’une baisse de l’actif net.
En présence d’une clause ambiguë, le juge est amené à en interpréter les termes en cas de litige : il en a été ainsi pour une convention précisant, d’une part, que l’acquéreur des parts d’une société exploitant un hôtel s’interdisait « toutes réclamations à l’encontre du cédant, au cas où la location de certaines chambres (…) actuellement autorisée [par l’administration] pour deux personnes, viendrait à être réduite à une personne ou même interdite à la location, postérieurement à la cession » et, d’autre part, que « si l’une des déclarations du cédant se révélait inexacte, la valeur conventionnelle des éléments immobilisés s’en trouverait diminuée » ; les juges, ayant interprété les termes de cette convention, que leur rapprochement rendait ambigus, ont fait ressortir que l’engagement « d’interdiction » de l’acquéreur portait sur la situation des locaux réglée par l’administration à une date postérieure à la cession et non à une date antérieure, de sorte qu’il y avait lieu de rechercher si la réclamation de l’acquéreur pour déclaration inexacte du cédant était fondée sur des éléments postérieurs ou antérieurs au contrat.
Lorsque le cédant énumère certains éléments du passif exclus de la garantie, il lui est recommandé de les mentionner de façon détaillée dans une liste, faute de quoi, en cas de litige, le juge doit déterminer si le passif nouveau invoqué par l’acquéreur à l’appui de sa demande en garantie fait ou non partie des éléments qui lui ont été révélés. Tel a par exemple été le cas dans une affaire où une clause de garantie faisait état de l’existence, au jour de la cession, des trois cautionnements suivants, souscrits par la société en garantie d’obligations contractées par une société tierce dénommée « IDIL » : « caution de 400 000 F (prêts IDIL) ; caution du découvert bancaire de IDIL (300 000 F) ; caution d’un billet à ordre pour IDIL (150 000 F) ». Aucune autre mention, portant notamment sur les banques bénéficiaires de ces cautionnements, n’était précisée dans la clause. L’acquéreur, qui avait dû verser à une banque une certaine somme en exécution d’un cautionnement souscrit par la société en garantie du remboursement de sommes dues par IDIL à cette banque, n’a pas pu faire jouer la garantie dès lors que, eu égard aux termes généraux de la clause, visant tous les cautionnements d’obligations contractées par IDIL, et au montant total versé par l’acquéreur, n’excédant pas les sommes qui y étaient mentionnées, il n’était pas démontré que le cautionnement litigieux ne figurait pas au nombre de ceux déclarés dans la garantie.

 

Source : Edition Francis Lefebvre 2022 – Memento cessions de parts et actions

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