Report des visites médicales, activité partielle dans les services de santé, accompagnement des entreprises pendant la phase de déconfinement… Retour sur les mesures d’urgence relatives à la santé au travail prévues par un décret du 8 avril 2020 et précisées par une FAQ du ministère du travail.
Pris pour l’application de l’ordonnance 2020-386 du 1er avril 2020 (voir La Quotidienne du 7 avril 2020), le décret 2020-410 du 8 avril 2020 adapte temporairement les délais de réalisation des visites et examens médicaux par les services de santé au travail à l’urgence sanitaire. Parallèlement, le ministère du travail publie une FAQ sur la mobilisation des services de santé pendant la crise sanitaire.
Médecine du travail : la liste des visites médicales pouvant être reportées
Le décret du 8 avril 2020 autorise les services de médecine du travail à reporter les visites et examens médicaux qui auraient dû être pratiqués entre le 12 mars et le 31 août 2020, dans les conditions suivantes (décret art. 1).
A noter : Rappelons que l’ordonnance 2020-386 du 1er avril 2020 dispose que le report d’une visite médicale ne fait pas obstacle à une embauche ou à la reprise du travail après une absence
Dans quels cas le report est-il possible ?
Un report possible jusqu’au 31 décembre 2020 pour les examens de suivi
Le médecin du travail peut reporter jusqu’à la date limite du 31 décembre 2020 les visites et examens suivants, sauf s’il estime indispensable de recevoir le salarié (voir ci-après) :
Catégorie de salariés | Type de visite médicale | Échéance de principe | Possibilité de report |
Salarié bénéficiant d’un suivi médical normal | Visite d’information et de prévention initiale | Dans les 3 mois suivant l’embauche | oui |
Renouvellement de la visite d’information et de prévention | Fixée par le médecin du travail, périodicité maximale de 5 ans | oui | |
Salarié bénéficiant d’un suivi médical adapté : travailleur handicapé, travailleur âgé de moins de 18 ans, travailleurs déclarant être titulaires d’une pension d’invalidité, femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes, travailleurs de nuit, travailleurs exposés à des champs électromagnétiques affectés à des postes pour lesquels les valeurs limites d’exposition sont dépassées | Visite d’information et de prévention initiale | Dans les 3 mois suivant l’embauche | non |
Renouvellement de la visite d’information et de prévention | Fixée par le médecin du travail, périodicité maximale de 5 ans | Le décret ne le précise pas : on peut supposer que la réponse est positive, par analogie avec les règles prévues pour les salariés bénéficiant d’un suivi renforcé | |
Salariés bénéficiant d’un suivi médical renforcé en raison de leur affectation sur un poste à risque | Examen médical d’aptitude initial | Préalablement à l’affectation sur le poste | non |
Visite médicale intermédiaire | Fixée par le médecin du travail, périodicité maximale de 2 ans | oui | |
Renouvellement de l’examen d’aptitude : cas général | Fixée par le médecin du travail, périodicité maximale de 4 ans | oui | |
Renouvellement de l’examen d’aptitude pour les travailleurs exposés à des rayons ionisants classés en catégorie A | Fixée par le médecin du travail, périodicité maximale de 4 ans | non |
Le médecin du travail n’est pas non plus tenu d’organiser une visite de préreprise demandée par un salarié en arrêt de travail lorsque la reprise du travail doit intervenir avant le 31 août 2020, sauf s’il porte une appréciation contraire (décret art. 2).
Jusqu’à 3 mois de report pour les visites de reprise
L’examen médical de reprise doit en principe être réalisé par le médecin du travail dans les 8 jours suivant la reprise du travail après une absence d’au moins 30 jours en cas de maladie ou d’accident du travail, tout arrêt de travail pour maladie professionnelle ou après un congé de maternité.
Par dérogation, les visites devant avoir lieu entre le 12 mars et le 31 août 2020 sont organisées de la manière suivante (décret art. 3) :
Catégorie de salariés | Date de l’examen |
• travailleurs handicapés • travailleurs âgés de moins de 18 ans • travailleurs qui déclarent être titulaires d’une pension d’invalidité • femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes travailleurs de nuit | Avant la reprise effective du travail |
Travailleurs faisant l’objet d’un suivi médical renforcé en raison de leur affectation sur un poste à risque | Report possible dans la limite d’un mois suivant la reprise du travail |
Autres travailleurs | Report possible dans la limite de 3 mois suivant la reprise du travail |
Exemple : Par exemple, pour un salarié en arrêt maladie de longue durée et devant reprendre le travail le lundi 1er juin 2020, la visite médicale de reprise aurait en principe du être organisée dans les 8 jours, soit le lundi 8 juin au plus tard. Mais en raison de l’état d’urgence sanitaire, le médecin du travail peut décider d’un report jusqu’au 1er septembre 2020.
Comment le salarié et l’employeur sont-ils informés ?
Lorsque la visite médicale est reportée, le médecin du travail en informe l’employeur et le travailleur, en leur communiquant la date à laquelle la visite est reprogrammée. Dans le cas où le médecin du travail ne dispose pas des coordonnées du travailleur, il invite l’employeur à communiquer à ce dernier ces informations. Lorsque la visite de préreprise n’est pas organisée, le médecin du travail en informe la personne qui l’a sollicitée : le salarié, le médecin-conseil de la caisse ou le médecin traitant du salarié (décret art. 5).
A noter : Le décret ne prévoit pas de possibilité de contestation de la décision du médecin du travail par l’employeur ou le salarié.
Pas de report si le respect de l’échéance est indispensable
Aucune visite ni aucun examen ne peut faire l’objet d’un report ou ne pas être organisé (cas de la visite de préreprise) lorsque le médecin du travail estime indispensable de respecter l’échéance prévue par le Code du travail au regard des informations dont il dispose concernant l’état de santé du salarié, ainsi que les risques liés à son poste de travail ou à ses conditions de travail.
Pour les travailleurs titulaires d’un contrat à durée déterminée, le médecin du travail tient compte des visites et examens dont l’intéressé a bénéficié le cas échéant au cours des 12 derniers mois.
Pour fonder son appréciation, le médecin du travail recueille, en tant que de besoin, les informations utiles sur la base d’échanges réalisés par tout moyen entre le travailleur et un membre de l’équipe pluridisciplinaire (décret art. 4).
A noter avis : Le médecin du travail est seul décisionnaire, et il n’est pas tenu de motiver sa décision ni d’en justifier auprès de l’employeur ou du salarié : seul le report d’une visite doit leur être notifié. Des difficultés pourront se présenter dans le cas où le service de santé au travail, surchargé, ne sera pas en mesure d’organiser toutes les visites estimées indispensables dans les temps, et que l’employeur et le salarié ne seront pas pour autant informés d’un report. Même sans information de la part du service de santé au travail, on conseillera donc à l’employeur de se rapprocher du service de santé et de garder une trace des échanges.
Le ministère du travail publie une FAQ sur la mobilisation des services de santé pendant la crise
La FAQ mise en ligne par le ministère du travail reprend les éléments d’information donnés par le décret du 8 avril 2020. Parmi les questions-réponses inédites publiées sur le site internet du Ministère du travail, nous avons sélectionné les suivantes.
Les services de santé au travail peuvent-ils avoir recours à l’activité partielle pour leurs salariés ?
Une demande de prise en charge au titre de l’activité partielle pour l’ensemble des personnels d’un SST n’est pas envisageable. Si un SST sollicitait l’activité partielle à titre exceptionnel, sa demande ne pourrait porter que sur certaines catégories de personnels, pour lesquels il devrait justifier que la poursuite de leur activité est absolument impossible, même après avoir déployé des mesures de réorganisation interne. Tous les éléments justificatifs devront alors être communiqués à la Direccte.
Comment les services de santé au travail pourront-ils accompagner les entreprises dans la phase de déconfinement ?
Les entreprises qui reprendront leur activité à partir du 11 mai devront d’abord procéder à une réévaluation des risques en y associant leurs représentants du personnel et mettre en œuvre des mesures adaptées de prévention (prévention des contaminations, des risques psychosociaux, des risques liés à l’organisation du travail notamment en cas de forte activité, etc.). Elles pourront s’appuyer sur les services de santé au travail pour les accompagner. Cette réévaluation devra être formalisée dans les meilleurs délais.
Les entreprises et les services de santé au travail sont invités à utiliser les fiches conseils du ministère du travail. Un « guide de la reprise d’activité » sera prochainement mis en ligne.
Les médecins du travail pourront par ailleurs prescrire des arrêts maladie aux personnes atteintes ou présentant des symptômes évoquant le Covid-19, ou encore risquant de contracter une forme grave de la maladie. Ils pourront également procéder à des tests de dépistage du Covid-19 dans certaines conditions. Le contenu et les conditions d’exercice de ces missions seront définies prochainement par un décret et un arrêté.
Quelles sont les modalités de report ou d’annulation des visites ?
Lorsqu’une visite médicale est reportée, le service de santé au travail en informe l’employeur et le travailleur en leur communiquant la date à laquelle la visite est reprogrammée. Dans le cas où le service de santé au travail ne dispose pas des coordonnées du travailleur, il invite l’employeur à lui communiquer ces informations.
D’une manière générale, toutes les demandes de visites doivent faire l’objet d’une analyse et d’une réponse de la part du service de santé au travail :
– si la demande de visite médicale émane de l’employeur et entre dans les catégories de visites devant être maintenues : la visite est organisée en téléconsultation ou en présentiel si le médecin estime cette modalité nécessaire ;
– s’il s’agit d’une visite occasionnelle, de préreprise ou de reprise, à la demande du salarié ou de l’employeur avec un motif particulier : il est fortement recommandé qu’un professionnel de santé au travail prenne un contact téléphonique avec le salarié pour évaluer la nécessité de maintenir la visite et convenir des modalités de celle-ci ;
– si la demande de visite médicale émane de l’employeur et entre dans les catégories de visites pouvant être reportées : la visite est reportée, sauf si le médecin du travail en décide autrement.
Comment se déroule la déclaration d’inaptitude pendant la crise épidémique ?
Les dispositions du Code du travail relatives à la procédure de constat d’inaptitude visent à ce que le médecin du travail s’appuie sur une bonne connaissance du poste de travail et de l’état de santé du salarié pour rendre son avis. Ce principe demeure applicable durant la crise sanitaire liée au Covid-19.
Aussi, pour se prononcer sur l’inaptitude d’un salarié, le médecin du travail doit se fonder à la fois sur :
– la connaissance du poste de travail, notamment grâce aux visites effectuées précédemment dans l’entreprise, au document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), à la fiche d’entreprise, aux informations recueillies au cours des réunions du comité social et économique (CSE) et auprès des représentants du personnel, des études de postes précédemment réalisées, de la discussion avec l’employeur, des proposition d’aménagement de poste transmises etc. Dans certains cas, ces éléments peuvent s’avérer suffisants pour constituer une étude valable du poste et des conditions de travail dans l’entreprise. Il est alors possible pour le médecin du travail de formaliser par écrit cette étude de poste à distance, de la dater et de la conserver dans son dossier.
– la connaissance de l’état de santé du salarié : la procédure précise qu’un examen médical doit être effectué. Dans certains cas, cet examen peut être réalisé à distance si le médecin estime qu’un examen clinique n’est pas nécessaire. Le médecin doit conserver dans le dossier médical tous les éléments lui ayant permis de construire son avis (pièces fournies par le salarié, dires du salarié, etc.).
Pour autant, toutes les situations ne pourront être traitées à distance. Un examen clinique du salarié pourra se révéler indispensable. Dans ce cas, si la procédure ne peut être différée, le médecin du travail pourra organiser la visite en présentiel, en respectant les mesures barrières. De même, si l’entreprise poursuit son activité, il peut être possible de réaliser l’étude du poste dans l’entreprise en respectant les mesures barrière.
Il est précisé que le délai maximum de 15 jours fixé par l’article R 4624-42 du Code du travail s’appliquera alors. Il en va de même s’agissant du délai d’un mois prévu par le Code du travail pour la reprise du versement du salaire à défaut de reclassement ou de licenciement.
Laurence MECHI, EFL