Les régions multiplient les initiatives pour permettre à des PME et ETI fragilisées par la crise de solidifier leur « haut de bilan ». Dans le plan de relance, le gouvernement a prévu 250 millions d’euros pour abonder les fonds régionaux destinés au renforcement des fonds propres des entreprises.
Selon les principes convenus entre Bercy et les régions, les fonds abondés devront cibler en priorité des PME de moins de 50 salariés, avec un ticket d’investissement de 5 millions d’euros au maximum. (Eric TSCHAEN/REA)
Mobilisation à tous les étages pour venir renforcer les fonds propres des entreprises . « Avec la crise, on savait qu’à un moment ou à un autre il faudrait essayer d’aider un certain nombre de PME ou d’ETI parce que leurs capacités d’endettement seraient saturées », explique Jean Rottner, le président de la région Grand Est.
Le plan de relance gouvernemental va venir donner un coup de pouce aux dispositifs mis en place par les régions. Il y est prévu 250 millions d’euros pour abonder des fonds régionaux dédiés au renforcement des « hauts de bilan » d’entreprises avec un potentiel de rebond.
Selon les principes convenus entre Bercy et les régions, les fonds abondés devront cibler en priorité des PME de moins de 50 salariés, avec un ticket d’investissement de 5 millions d’euros au maximum. Mais « nous avons travaillé à ce que cela puisse aussi concerner de grosses PME ou des ETI, de manière à ne laisser aucun besoin de côté », précise François Bonneau, président délégué de l’association Régions de France et président de la région Centre-Val de Loire. L’objectif affiché est une mise en oeuvre début 2021.
Obligations remboursables en actions
Parmi les récentes initiatives, la Normandie a lancé cet automne, avec trois banques, un fonds d’investissement dans des PME ou des ETI locales« dont la situation était saine avant la crise et qui doivent consolider leurs fonds propres pour rebondir », expliquent-elles dans un communiqué. Un outil qui, selon elles, répond à « un besoin non couvert par l’offre existante, tant sur le plan national que régional ». Ce nouveau fonds prévoit d’investir dans 8 à 15 entreprises – réalisant de 3 à 150 millions d’euros de chiffre d’affaires « et si possible exportatrices » – avec des tickets de 1 à 3 millions d’euros.
Avec la crise, la panoplie d’intervention s’élargit. La région Grand Est, par exemple, prépare avec la place bancaire un prêt participatif , « considéré comme des quasi-fonds propres », indique Jean Rottner. Cet outil n’est pas assimilé à de l’endettement. L’objectif est de mobiliser 500 millions d’euros sur vingt-quatre mois pour des PME et des TPE, la région apportant sa garantie. Celle-ci envisage aussi d’avoir recours aux obligations remboursables en actions émises par des ETI ou des grosses PME « totémiques » qui conservent « un potentiel de croissance avéré ». Selon Jean Rottner, un tel instrument présente un double avantage pour un chef d’entreprise : « C’est une solidification de son haut de bilan et il reste maître à bord chez lui, car ce n’est pas un outil invasif dans la gouvernance. »
Les régions restent, en revanche, toujours aussi peu allantes pour entrer directement au capital des sociétés commerciales, une faculté qu’elles ont pourtant depuis la loi NOTRe d’août 2015. Seules deux d’entre elles l’ont déjà fait. La Bretagne, pour devenir actionnaire en 2018 de Yer Breizh à hauteur de 5 % , une entreprise créée après la reprise du volailler Doux pour regrouper les acteurs de la filière amont, puis, en 2019, du groupe coopératif alimentaire d’aucy (pour 2,72 %). La Nouvelle-Aquitaine, pour investir dans Flying Whales (dirigeables pour le transport de charges lourdes) et la biotech Aelis Farma .
« Notre doctrine n’est pas d’investir en direct, mais nous pouvons exceptionnellement utiliser cette possibilité quand cela fait sens et pour des entreprises qui s’inscrivent dans une stratégie de transition », explique Laurence Fortin, vice-présidente de la région Bretagne à l’aménagement territorial et à l’économie.
Intervention très encadrée
Rien d’étonnant si les élus y regardent à deux fois. « C’est une forme d’intervention très encadrée. La région doit montrer qu’elle agit selon les conditions d’un investisseur avisé, avec des exigences de prix et de rentabilité, pour éviter que son intervention ne soit considérée comme une aide d’Etat par Bruxelles. Il doit aussi y avoir tout un plan stratégique derrière », soulignent Pierre-Aymeric Dewez et Antoine Mameri, respectivement associé et avocat chez EY. Autre frein, devenir actionnaire à part entière n’est pas sans risque d’un point de vue politique.
La région Occitanie a choisi un autre chemin. Elle va se doter au premier trimestre 2021 de son agence régionale des investissements stratégiques (Aris), avec plusieurs coactionnaires, dont des banques et des industriels. Cette structure pourra prendre des participations dans des entreprises. « L’Aris interviendra pour le démarrage d’une nouvelle activité ou pour aider une entreprise à dépasser une crise », détaille Carole Delga, la présidente du conseil régional, qui a plusieurs dossiers en vue.
Source: les échos