25 % des défaillances dans l’Hexagone sont dues à des retards de paiement. Ces derniers atteignaient en moyenne 11,5 jours l’année passée. Pour 2021, Bercy vise un seuil inférieur à 10 jours.
Les mauvaises habitudes françaises ont la dent dure. Selon le dernier rapport de l’Observatoire des délais de paiement, les retards de paiement atteignaient en moyenne 11,5 jours fin 2019. S’ils ont diminué ces dernières années, les retards de paiement restent plus élevés en France que dans de nombreux pays de l’Union européenne. À titre de comparaison, nos voisins néerlandais affichent un retard de 4 jours seulement en moyenne, et les Allemands, 7 jours.
Dans l’Hexagone, ces retards de paiement continuent surtout de pénaliser les PME et les ETI, avec un manque à gagner (en termes de trésorerie non disponible dans les délais légaux) estimé respectivement à 19 milliards et 7 milliards d’euros pour 2019.
« Ces retards proviennent de dysfonctionnements et parfois de comportements délibérés inadmissibles. Toutes les entreprises, et en particulier les plus grandes, doivent s’attacher au respect des délais de paiement », a admonesté le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises Alain Griset ce jeudi, après avoir pris connaissance du rapport. Les retards de paiement constituent une problématique centrale lorsque l’on sait que la France est composée à 98% de TPE et PME.
D’ici fin 2021, Bercy souhaite parvenir à un retard inférieur à 10 jours, a annoncé Alain Griset dans une interview accordée aux Échos. Pour y parvenir, le gouvernement mise sur l’incitation et « l’éducation » des patrons, ainsi que sur la mise en œuvre obligatoire de la facturation électronique en 2023. Néanmoins, il ne s’interdit pas « d’utiliser des outils plus contraignants à l’avenir », a précisé le ministre.
Politique de contrôle renforcée
L’année dernière, le montant des sanctions infligées aux « mauvais payeurs » a atteint le chiffre record de 22,4 millions d’euros, en hausse de 30% sur un an. 1517 établissements avaient été contrôlés par les équipes de la DGCCRF avec un taux d’anomalie constaté de 31%, donnant lieu à 209 décisions de sanction.
Répartition des délais de paiement par tranche et par taille d’entreprise en 2018
Répartition des délais de paiement par tranche et par taille d’entreprise en 2018 Rapport de l’Observatoire des délais de paiement 2020
En parallèle, 62 procédures de sanction avaient également été initiées pour un montant total d’amendes envisagées de 11,4 millions d’euros. De grands groupes tels que EDF, SFR, GEFCO et XPO Distribution France avaient notamment été sanctionnés.
Pour 2021, Bercy met la pression sur les entreprises en prévenant que sa politique de contrôle sera accentuée.
Des abus limités durant le confinement
Ces dernières années, les retards de paiement des factures entre entreprises se sont quelque peu réduits. «Nous étions en 2015 aux alentours de 14 jours de retard. La tendance était à l’amélioration, avec des retards d’environ 11 jours, mais la crise économique nous fait à nouveau prendre conscience de l’importance de ce problème dans le tissu économique français», analyse Laurent Playez, Directeur B2B chez American Express.
Le Médiateur des Entreprises a évoqué une multiplication par dix des demandes de médiation reçues durant la période, essentiellement pour des problèmes de délais de paiement ou de sous-traitance. 92% de ces demandes émanaient de TPE et PME. Les retards ont continué de légèrement augmenter durant l’été.
En cette période de crise, les entreprises veulent désormais parvenir à payer à terme leurs fournisseurs tout en ayant un impact très limité sur leur trésorerie
Au début du confinement en mars, la tendance était au gel du règlement des factures. Mais très vite, en avril, beaucoup d’impayés ont été réglés. «Les entreprises veulent garder une relation de confiance avec leurs fournisseurs », explique Romain Olivares, collaborateur au sein du département Restructuring de Paul Hastings. Globalement, les professionnels du secteur ont plutôt observé un effet de solidarité des entreprises envers les fournisseurs, particulièrement pour les petites structures. «Dans les dossiers que nous avons vu passer en procédure préventive (mandat ad hoc et conciliation), le principe était simple : la priorité était donnée au paiement des factures des structures plus fragiles, par rapport à celles à la trésorerie robuste», explique de son côté le juge et délégué général à la prévention des difficultés des entreprises du Tribunal de commerce de Paris.
Les abus de la part des grands groupes ayant bénéficié du prêt garanti par l’État (PGE) tout en bloquant les délais de paiement aux fournisseurs sont restés très marginaux. Les quelques groupes ayant ainsi profité du système pour ne pas régler à temps leurs factures risquent d’être assignés en justice par leurs fournisseurs lésés.
Un effet domino fatal pour les petites structures
Désormais, la conjoncture très difficile et les nombreuses incertitudes concernant l’évolution de la situation sanitaire inquiètent dans certains secteurs, pour lesquels le contexte d’approvisionnement en liquidités reste tendu.
« Lorsqu’une entreprise se trouve en difficulté, elle peut à son tour rapidement entraîner d’autres entreprises dans des problèmes financiers si elle ne parvient pas à payer ses factures » explique Philippe Wagner, cofondateur de Captain Contrat, spécialiste des questions juridiques en entreprise. L’effet domino peut être fatal. Dans l’Hexagone, 25 % des défaillances de PME et TPE sont dues à des retards de paiement, selon le Cabinet de recouvrement ARC. Les relations entreprises-fournisseurs sont précieuses. Mais comment s’assurer qu’une entreprise pourra régler dans les délais ses factures ?
En premier lieu, les retards de paiement sont souvent le résultat de l’organisation interne des entreprises. Ils dépendent en effet de la fluidité des processus de traitement des factures et d’engagement des dépenses, qui ont parfois tendance à se complexifier avec le nombre de contreparties et la taille des organisations. À cet égard, l’État mise sur le développement de la dématérialisation des factures dans le secteur privé.
Optimiser le mécanisme de règlement de factures
Outre ces problèmes d’organisation, il devient impératif d’optimiser le mécanisme de règlement des factures des entreprises. Les délais de paiement constituent un des enjeux essentiels du modèle de trésorerie des entreprises : ils sont au centre des paiements fournisseurs, clients et du besoin en fonds de roulement (BFR). « Cela a un impact direct sur la santé de l’entreprise. Il faut s’assurer que celles ayant notamment bénéficié des initiatives de l’État sur les fonds propres, tel que les PGE, puissent utiliser efficacement leur cash », explique Laurent Playez.
En cette période de crise, les entreprises veulent désormais parvenir à payer à terme leurs fournisseurs tout en ménageant leur trésorerie. Des solutions en ce sens ont été développées ces dernières années. Pour les PME, TPE et ETI, American express (Amex) propose par exemple une solution de paiement permettant à une entreprise de régler ses fournisseurs sous 48h, tout en bénéficiant d’un délai de paiement différé jusqu’à 58 jours. « Pour ne pas impacter leur trésorerie, de plus en plus de petites entreprises font appel à ces solutions pour payer leurs fournisseurs stratégiques », explique le directeur B2B.
Source : Le Figaro, par Claudia Cohen