Une ordonnance parue hier – et prise sur le fondement de la loi prorogeant l’état d’urgence – maintient et aménage le texte pris au mois de mars. Elle prévoit notamment un nouveau critère pour opter pour du huis clos, encourage le vote par correspondance et renforce les droits des actionnaires des sociétés cotées.
Les dispositions de l’ordonnance 2020-321, normalement obsolètes depuis le 1er décembre, sont finalement prorogées jusqu’au printemps prochain. C’est une nouvelle ordonnance, publiée hier au journal officiel qui maintient le droit dérogatoire sur l’organisation des assemblées et des organes dirigeants des sociétés du fait de la pandémie et de la réduction des interactions sociales qu’elle commande. Le texte l’aménage aussi quelque peu. Un décret d’application complétant le dispositif est attendu.
L’ordonnance du 2 décembre est applicable depuis hier et jusqu’au 1er avril 2021, date sonnant normalement la fin de la période transitoire de sortie de l’état d’urgence, selon la loi du 14 novembre 2020. Mais le texte prévoit déjà une possible prorogation supplémentaire, via la publication d’un nouveau décret, jusqu’au 31 juillet 2021.
L’ordonnance aborde tout d’abord la question de la convocation à une assemblée générale. Elle prévoit désormais que pour l’ensemble des personnes morales et des entités dépourvues de personnalité de droit privé – et plus uniquement les sociétés cotées – aucune nullité de l’AG n’est encourue lorsque la convocation n’a pas pu être adressée par voie postale (article 1).
Une interprétation in concreto pour la tenue à huis clos
Concernant ensuite la possibilité de tenir une assemblée à huis clos, le nouveau texte fait évoluer la mesure. Le critère pour tenir une telle assemblée – donc sans la participation physique de ses membres ainsi que par visioconférence ou par conférence téléphonique – devient le suivant : il faut que « les mesures restrictives en vigueur à la date de la convocation de l’assemblée ou à la date de sa réunion [fassent] effectivement et concrètement obstacle à la présence physique de ses membres ». Il n’est donc plus celui de « l’existence d’une mesure restrictive affectant le lieu où l’assemblée était convoquée ». Le nouveau dispositif commande donc une appréciation in concreto plus qu’in abstracto, note le rapport du Président de la République.
« La présente ordonnance précise que les mesures restrictives susceptibles d’avoir une incidence sur l’organisation de l’assemblée et de conduire à ce qu’elle soit tenue à huis clos sont :
– non seulement les mesures qui interdisent ou limitent les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires,
– mais également celles qui interdisent ou limitent les déplacements pour de semblables motifs », complète le rapport.
Quant à la consultation écrite des membres d’une assemblée, sauf pour les sociétés cotées, l’ensemble des groupements de droit privé peuvent y recourir, que cette faculté soit offerte ou non par une disposition légale. Une clause des statuts ou du contrat d’émission n’est pas nécessaire à cet effet ou ne peut s’y opposer. Le décret d’application de l’ordonnance du 2 décembre précisera cette disposition.
Un vote par correspondance privilégié
Enfin sur le vote par correspondance, il est largement assoupli. Il peut être organisé par les groupements pour lesquels ce mode n’est pas encore prévu par la loi. Au contraire, si tel est le cas, l’ordonnance neutralise les conditions requises pour recourir au vote par correspondance. Il n’est donc plus nécessaire d’avoir une clause à cet effet dans les statuts ou le contrat d’émission. Toute clause contraire ne peut produire d’effet durant la période. Le vote est toutefois organisé dans les conditions prévues par les dispositions législatives ou réglementaires, les statuts ou le contrat d’émission, lorsque ce mode de vote est déjà prévu par ces derniers. Si tel n’est pas le cas, le décret d’application précisera les modalités à respecter.
« La décision de permettre le vote par correspondance incombe à l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou, le cas échéant, à son délégataire, à moins que le vote par correspondance soit de droit pour les membres de l’assemblée. Cette mesure concerne l’ensemble des décisions relevant de la compétence des assemblées des groupements, y compris, le cas échéant, celles relatives aux comptes », précise le rapport au Président de la République.
Droit des actionnaires des sociétés cotées
La nouvelle ordonnance renforce aussi le droit des actionnaires des sociétés cotées lorsque l’AG est tenue à huis clos. L’AG doit désormais être obligatoirement retransmise en directe puis doit être rediffusée en différé. Le texte impose aussi que l’ensemble des questions écrites posées par les actionnaires et les réponses qui y sont apportées soient publiées sur le site internet de la société au sein d’une rubrique spécialement prévue à cet effet.
Il est également nécessaire, lorsque l’AG bascule à huis clos, que les actionnaires en soient informés 3 jours ouvrés au moins avant la date de l’assemblée. Ce délai est déjà prévu pour les sociétés non cotées.
Le champ d’application de l’ordonnance du 2 décembre est le même que celui de l’ordonnance 2020-321. Ces dispositions s’appliquent donc à « l’ensemble des assemblées – telles que, par exemple, les assemblées générales des actionnaires, associés, membres, sociétaires ou délégués, les assemblées spéciales, les assemblées des masses – et l’ensemble des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction – tels que, par exemple, les conseils d’administration, conseils de surveillance et directoires » des personnes morales et des entités dépourvues de personnalité de droit privé, rappelle le rapport au Président de la République.
Source : Editions législatives.